Un projet d’arrêté ministériel énonçant des mesures de dissuasion est en cours de finalisation.
La patience de Baba Ahmed a, semble-t-il, atteint ses limites. Après plus d’une année à la tête du département de l’éducation nationale, le ministre a finalement osé ce qu’il s’est interdit depuis son installation en septembre 2012, à savoir remettre en cause ouvertement le travail de son prédécesseur. C’est du moins le cas pour ce qui est de l’épineux problème de la surcharge des classes.
Une contrainte majeure qui a entaché la rentrée scolaire 2013-2014 et sur laquelle le ministre a été épinglé notamment par ses partenaires sociaux et les médias. «La surcharge des classes a pour origine la non-prise en charge par le ministère de l’éducation nationale du problème depuis 2006. Les responsables de l’époque savaient que deux cohortes de la réforme allaient arriver en 2012-2013», a soutenu le ministre, invité hier au Forum d’El Moudjahid. Et d’ajouter : «Je ne porte pas seul cette responsabilité. Et puis, la surcharge s’explique par le retard accusé dans la réalisation des établissements scolaires.» Pas moins de 40% des établissements en chantier enregistrent un long retard et ne sont toujours pas délivrés. «Il est vrai que certains motifs du retard sont objectifs tels que le manque d’assiettes foncières mais si les structures en chantier avaient été livrées dans les délais, le problème de la surcharge ne se serait pas posé», a déclaré Baba Ahmed.
Le conférencier expliquera que le phénomène de la surcharge dans les lycées est également lié au déséquilibre dans les filières. Les plus demandées, telles que les sciences expérimentales, vivent ce problème mais pour d’autres filières (maths et techniques mathématiques) les salles fonctionnent avec 10 élèves uniquement. Autre raison : la réputation d’un lycée par rapport à un autre, qui pousse les parents à vouloir y inscrire leurs enfants alors qu’un autre lycée est situé à quelques mètres seulement.
Selon le ministre, le taux d’occupation des salles est de 32 à 42 pour le secondaire alors que le taux national moyen, tous paliers confondus, est de 33 par classe, soit la norme définie par l’Unesco. «Il est vrai qu’au niveau de trois ou quatre wilayas le nombre d’élèves atteint les 50 par classe», a reconnu Brahim Abassi, directeur de l’enseignement moyen au MEN. L’objectif de la tutelle est d’arriver à des classes de 25 élèves dans le primaire et 30 dans les deux autres paliers.
Des cours de soutien au lieu des cours particuliers
La tutelle compte sévir pour mettre fin à la propagation anarchique des cours particuliers. C’est ce qu’a déclaré hier le ministre lors du forum. «Que l’élève fasse la demande à son enseignant est compréhensible mais que l’enseignant force ses élèves à se payer des cours particuliers chez lui, c’est inadmissible et contraire à l’éthique», a indiqué Baba Ahmed. Et de révéler qu’un projet d’arrêté ministériel est en cours de finalisation pour mettre fin à cette pratique qui a des conséquences négatives sur le cursus de l’élève. «Il devient passif et non actif car ne fournissant aucun effort. Les cours particuliers ne sont qu’un bourrage. L’enseignant va jusqu’à gonfler les notes des élèves concernés pour faire croire aux parents que leur enfant a fait des progrès grâce à ces cours.»
Ce que regrette aussi le ministre, c’est que ces cours ne sont pas gratuits, «ce qui porte atteinte à la démocratisation de l’école publique». Selon les explications qui nous ont été données en aparté par le directeur de l’enseignement fondamental au MEN, «l’arrêté qui est au stade de projet porte sur les répercussions négatives des cours particuliers. Il prend en charge trois aspects, à savoir des mesures de dissuasion qui permettraient aux directeurs d’interdire à leurs enseignants de donner des cours particuliers, la sensibilisation des enseignants et l’éthique professionnelle». Pour lui, donner des cours particuliers est «une pratique commerciale illégale car tout commerce nécessiterait un registre du commerce». Brahim Abassi dira qu’en contrepartie, les élèves peuvent bénéficier des cours de soutien assurés par les établissements en dehors des cours (samedi, mardi après-midi et à partir de 17h les autres jours).
Vers un conseil national des programmes
Autre décision annoncée hier par le ministre concerne la commission nationale des programmes chargée, comme son nom l’indique, de l’élaboration et la révision des programmes et manuels scolaires. «Il devient difficile de faire travailler les membres de la CNP car nous ne pouvons plus payer ses membres», a révélé Baba Ahmed, annonçant qu’un projet de décret portant création du conseil national des programmes a été adressé au secrétariat général du gouvernement. Autrement dit, la CNP sera dissoute et remplacée par un conseil. Simple changement d’appellation ou révision des missions et prérogatives de la structure ? «La CNP actuelle est régie par un arrêté interministériel et comme nous ne pouvons plus payer les indemnités de ses 23 membres, nous avons proposé un projet de décret pour la création d’un conseil qui aura une autonomie morale et financière. Il y aura une nouvelle structuration.» Et c’est ce conseil qui prendra en charge la lourde mission de la révision des programmes scolaires tant réclamée par toute la famille de l’éducation.
Probable suppression de la 2e session de l’examen de l’ex-6e ?
La déperdition scolaire qui a atteint près de 10% dans le cycle moyen est telle que le ministre de l’éducation a soutenu qu’il serait préférable de «laisser les élèves de la 5e année primaire refaire l’année», c’est-à-dire l’examen de l’ex-6e, que de lui accorder une deuxième chance et le faire parvenir au cycle moyen sans bagages. Baba Ahmed a laissé entendre que son département s’achemine vers la suppression de la deuxième session de cet examen.