Ce sont des dizaines de groupes d’enseignants qui, quotidiennement, dès la première heure, envahissent la direction de l’Education de la wilaya de Béjaïa, pour y déposer les pièces nécessaires pour un éventuel départ en retraite. De longues et interminables files d’attente se forment, surtout au niveau du bureau des retraites, rattaché au service du personnel de cette direction. « Depuis la promulgation du décret exécutif 315/08, portant statut de l’Education Nationale, nous vivons cette pression qui s’accentue quotidiennement », nous dit un fonctionnaire de cette même Direction. Selon lui, « pas moins d’une cinquantaine de dossiers sont traités quotidiennement depuis le début de l’année en cours ». Et pendant que les travailleurs de l’Education, ayant atteint les 32 ans de service ou l’âge de 60 ans pour aspirer à une mise en retraite, se bousculent pour déposer leur dossiers, d’autres viennent s’informer sur un texte ou même une vague procédure qui favoriserait un départ anticipé et rapide en retraite. « Je veux partir en retraite rapidement, quitte à perdre quelques avantages. De toute façon, je ne me retrouve pas dans le nouveau statut », nous confie un enseignant. Son collègue dit : « J’ai 30 ans de service et je n’ai que 50 ans d’âge, mon expérience et mon parcours peuvent encore servir l’école Algérienne. Et si le nouveau statut ne m’avait pas classé en voie d’extinction, j’aurais eu toute la volonté pour continuer à exercer jusqu’à la soixantaine », dit-il, avec amertume. En effet, c’est sous l’appellation « en voie d’extinction » que les maîtres et professeurs de l’enseignement fondamental (MEF et PEF) sont classés. Cette appellation aurait suscité une forte indignation dans le milieu scolaire et serait l’une des principales raisons qui a fait que les demandes de départ en retraite se multiplient. « Être considéré comme une espèce en voie d’extinction, est pour moi la pire atteinte à mon intégrité et une insupportable injure », nous dit, révolté, un enseignant rencontré sur les lieux. Ce qui révolte encore ses pédagogues, c’est le fait que « les missions des enseignants du moyen et du fondamental, déterminés par le nouveau statut, sont identiques et la rémunération est différente, tout comme l’accès aux promotions. Vous pouvez vérifier cela au chapitre des missions dans les article 50 et 54 », nous déclare un enseignant du moyen, en colère. En effet, après vérification, les articles en question ne sont que du « copier-coller », y compris le volume horaire qui est de 22heures. Quant aux promotions, aucune perspective n’est offerte au personnel relevant du cycle fondamental. Par ailleurs, ce malaise ne semble pas propre aux enseignants, puisque dans la catégorie du personnel administratif, on ne décolère pas non plus. « Je suis médusé ! Comment expliquer qu’un professeur coordinateur au lycée est classé à la catégorie 16, alors que je le dépasse dans le grade et la fonction et que je sois classé à la 14 », nous confie un directeur des études dans un lycée venu déposer son dossier de retraite. Il faut signaler qu’un directeur des études est le deuxième responsable dans un lycée, après le proviseur. Cette fièvre collective, qui tend à devenir une pandémie, n’épargne personne. « Dans les établissements, on ne parle que de retraite et de départ anticipé », nous relate un inspecteur de l’éducation qui ajoute : « Les vétérans, qui s’estiment lésés par le nouveau statut, refusent d’encadrer les stagiaires, car pour eux, les nouvelles recrues sont mieux classées que les anciens, aussi bien dans le grade que dans la fonction ». Au niveau de la Caisse nationale des retraites (CNR), les employés s’activent à traiter les dossiers et à envoyer les notifications aux concernés. « Tout le monde est pressé de partir, si cela continue comme ça, on n’aura à traiter que les dossiers de l’éducation », nous confie un employé de la CNR. Côté syndicat, on dénonce le traitement non équitable dans le dossier des gestions de carrières. « Les négociations ont manqué d’objectivité et de rationalité, ce qui aurait pu assurer au moins un traitement équitable dans la gestion des carrières », constate un syndicaliste du Satef. Pour son collègue de l’Unpef : « Le problème ne se pose pas par rapport au nouveaux avantages, mais par rapport aux acquis perdus (…), peut-on considérer un enseignant recruté en 1994, comme étant en voie d’extinction ? », se demande notre interlocuteur. En tous cas, de l’avis d’un bon nombre de pédagogues, le statut particulier aurait été élaboré dans la précipitation. Cette conclusion est justifiée par le fait que l’augmentation des salaires a précédé les fiches de postes et les missions des uns et des autres.